lundi 15 décembre 2008

Les Converse-ations


http://www.youtube.com/watch?v=Epow4VXhnW0

1996
Il fait pas vraiment beau, mais un peu quand même.. la grisaille propre au petit Romont.

Vanessa, elle a encore lavé ses cheveux, le matin. Alors bein comme on est au mois de janvier, elle a froid et ses cheveux gèlent.
Enfin, ses cheveux, ça c’est si on regarde vite, parce que des cheveux -même permanentés- qui ressemblent à du carton c’est quand même rare !
Et bien Vanessa, elle y arrive.
Elle se les attache toujours en queue de cheval et se fait une frange carrée, un peu bombée, la mèche du dessus coiffée vers la droite, elle croit que ça le fait je crois !
Et puis, tant qu’on passe inaperçue et que les garçons regardent ailleurs (même si c’est pour la trouver moche) que la poitrine, c’est déjà ça de gagné !

J’ai 12 ans et bientôt 13 et, regarder les filles faire des trucs de filles est très exotique pour mon œil de petit garçon manqué en jeans, toujours en jean.
Quand moi je me demande laquelle de mes deux paires de baskets je vais bien pouvoir mettre pour me sentir flotter et passer inaperçue (à nouveau), alors que tout le monde s’en tape, elles, les filles qui mettent de la mousse dans leurs cheveux, du fard à paupières et choisissent déjà des décolletés plongeants, elles, elles ébauchent leur féminité.
Elles tâtonnent de l’œstrogène. Pas idiot comme calcul, ça semble malin parce que ça me parait drôlement difficile de devenir une femme si t’es pas passé par le cap de la fille qui met du « Démon » d’Eau Jeune. Moi je me limite à « Garçonne » d’Eau jeune ou « L’Eau de Kookaï » et c’est bien la seule chose que je me permets ayant trait à la féminité.. oui parce que sentir bon c’est permis à tout le monde.

Sonia, elle est déjà dans le long terme… Mariage, labrador, maison avec piscine le tout accessoirisé avec des enfants. Un garçon puis une fille, comme ça le garçon pourra se responsabiliser de sa sœur.
Et elle arrive pas à s’habiller toute seule, non la jeune fille pré-pubère a besoin d’avoir l’avis de sa copine Samia ainsi que de Punar.

C’est comme ça qu’un jour, à 9h15 elles se retrouvent toutes à dire, en mâchouillant et se touchant les cheveux incessamment « - Eh les filles, on se met en jupe demain ? »
« Ah ouais, qu’elles rétorquaient en cœur ! » Auxquels s’en suivirent les traditionnels :

- Court comment ?
- De quelle couleur ?
- Euh mais j’aime pas mes genoux ! etc

Grimace discrète chez moi..
Oui parce qu’une jupe à l’école, pourquoi faire ? Les garçons vont mater, se moquer, comparer.

Lendemain, 7h50. Toutes arrivées au moins 20mn avant (exception faite à leurs 9h de sommeils impératives, pour la peau, le vieillissement et les cernes –je crois ! ).
Et voilà que l’on me scrute de tous les angles possibles, tant elles que les garçons de la classe –forcément, ils ont déjà compris qu’aujourd’hui « jambes à l’air oblige ».

- Ahhhh ! T’as pas mis de chaussettes dans tes converse ?
- Bah, non… on est en été.. je les mets que l’été et (toute timide) je transpire pas des pieds MOI (avec fierté, et toc !).
- Euh !! Et un short sous ta jupe ?? Mais c’est une mini, c’est pas fait pour cacher !
- Ouais, bein déjà on appelle ça un boxer et rendez-vous à la fin de la journée pour voir.

Résultat : j’ai préféré pas trop écouté ce qu’on disait, mais ai bien rit avec les pseudos attitrés aux fausses ingénues et la montée des escaliers en groupe; oui parce que les garçons à cet âge c’est curieux, pas tout à fait innocents et plutôt « désordre ».

Cédric m’a glissé en douce –lors de l’échange routinier de souliers/chaussons- « Je savais bien que t’étais mignonne, mais là c’est le top-classe. J’ai les mêmes converse que toi, mais moi hors de question que je les porte ici, tu sais blanc sur noir ça fait vite « flashy », basket samedi ? »

En esquissant mon sourire, je ne savais pas si je le remerciais inconsciemment pour ce « compliment », pour les converse (vengeance perso à mes chères compères) ou si malgré tout, j’étais quand même passée inaperçue et l’invit au basket me confirmais ma non-exclusion du club des garçons.

Ravie de rentrer et de croiser ma chère voisine, Madame Schümperli (de 75 ans) qui me rétorque tendrement : - Quelle belle mutation en douce Vanessa ! Continuez comme ça.. on est toutes différentes vous-savez ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

c'est tellement mignon... Continue comme cela...

Virg